Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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7 mai 2015

Vendu sur la couverture comme un roman "suspense", il est très long à démarrer. Les premières pages ressemblent à un journal, un compte-rendu d'activités dans lequel l'écrivain aurait injecté quelques ressentis ou sentiments. C'est plat, neutre, long et sans saveur... C'est la chronique d'un jeune homme jaloux et malheureux loin de sa jeune femme à qui il ne fait pas confiance, et totalement accaparé par son frère handicapé dont il doit s'occuper.

Et puis, alors qu'on ne s'y attendait quasiment plus -sauf à avoir lu la quatrième de couverture, ce que je déconseille, mais je dois dire que c'est ce qui ma fait tenir-, page 160, les prémices du suspense promis, avec confirmation qu'il est bien là, au rendez-vous... presque 40 pages plus loin. Ensuite, jusqu'à la fin, soit encore 150 pages, le roman tient enfin son rôle. D'où ma question : pourquoi écrire un roman de 350 pages alors que 200, allez, je vais être large, 250 pages auraient largement suffi ? C'est agaçant cette volonté de faire du volume. Imaginez ça en film, vous commencez par une heure de Derrick et finissez par trente minutes de Columbo, c'est rageant, parce qu'on se dit qu'on aurait pu voir une heure de Columbo seulement !

Bon, comparaison mise de côté, la fin du roman est très bien, vive, la machination se met en place, presqu'involontairement au départ, puis finalement inévitable. Tout les éléments s'emboîtent les uns dans les autres parfaitement et le doute est maintenu jusqu'au bout.

Pour résumer : un roman assez inégal, lent au début et sauvé par une fin intelligente et bien menée.

Zygmunt MILOSZEWSKI

Mirobole

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5 avril 2015

Je serai bref, enfin pour commencer, parce qu'après je sens que je vais m'emballer (mais c'est possible ça d'être bref, avant de ne l'être plus ?) : j'ai beaucoup aimé Les impliqués, le précédent roman de Zygmunt Miloszewski, je réitère mon appréciation pour Un fond de vérité. Voilà, ma brièveté cesse ici-même, après je me lâche...

Bon d'abord, j'aime bien Teodore Szacki. Il est parfois insupportable, a une assez haute estime de lui-même en tant que procureur, il est beaucoup moins indulgent sur lui en tant qu'individu : 40 ans, divorcé parce qu'il a eu une liaison avec une journaliste, ne voit pas sa fille, méprise les péquenots de Sandomierz, drague et couche avec une fille sublime qu'il laisse parce qu'il la trouve injustement cruche -ça va avec son mépris des gens de cette petite ville. J'aime aussi beaucoup son côté anti-religieux, anti-dogme, le roman est truffé de perles anticléricales qui m'ont réjoui et dont je pourrais m'approprier mot pour mot. Il donne tout au travail. Il emmagasine les informations, les trie mentalement, se fait une idée la plus précise possible des faits et ensuite son cerveau procède par déclics. Il recoupe tout et certaines petites informations a priori anodines sont celles qui donnent l'ossature du raisonnement et de la résolution de l'affaire : "Jamais encore auparavant un processus mental ne s'était déroulé aussi vite dans sa tête, jamais encore autant de faits ne s'étaient assemblés en un éclair dans une suite logique et indissoluble qui ne pouvait aboutir qu'à un unique résultat. C'était une expérience à la lisière de la folie : les idées bondissaient entre les neurones à un rythme épileptique, la matière grise s'illuminait d'une couleur platine à cause du trop-plein d'informations." (p.440) J'aime bien aussi les liens qu'il peut tisser avec les autres protagonistes, collègues, flics, témoins, même les troisièmes rôles ont la faveur d'une ou deux pages pour décrire leurs vies et la manière d'arriver dans cette histoire. Certaines descriptions sont rapides et très visuelles : "Il était grand et très maigre. Sous son blouson épais et son écharpe, il devait ressembler à une gousse de vanille : mince mou et fripé." (p.36)

Ensuite, il y a l'intrigue, la recherche du ou des coupables menée par un procureur volontaire et désireux de montrer qui il est. Toutes les pistes sont explorées, même celles qui déboucheront sur une impasse : le travail minutieux des enquêteurs, chaque victime est auscultée et l'on sait quasiment tout de sa vie. L'enquête est lente, entrecoupée par les problèmes familiaux ou de cœur du procureur, on s'en imprègne en douceur, on peut même se laisser berner, ce qui est réjouissant dans un roman policier. Parce qu'il nous emmène où il veut Zygmunt Miloszewski. Il écrit bien, c'est limpide, ça va au plus court et même si le livre fait 470 pages, j'ai eu l'impression qu'aucun mot n'était de trop.

Enfin, il y a le contexte historique : la Pologne a un gros souci avec les juifs, auxquels elle reproche parfois tous les maux. A Sandomierz, ils sont accusés de meurtres rituels d'enfants qu'ils enlevaient et vidaient de leur sang. D'ailleurs, une toile de Charles (Karol) de Prévot représentant ces meurtres se trouve dans la cathédrale de la ville ; elle a longtemps été cachée (en cliquant sur le nom du peintre, vous pourrez la voir). Le passif entre Polonais et juifs est lourd, entre les ghettos pendant la guerre, l'extermination et le refus du pouvoir d'après-guerre de restituer les biens confisqués ; beaucoup de juifs rescapés furent des résistants et mirent en place le régime communiste ce qui leur fut reproché même vingt ans plus tard, en 1968 où beaucoup émigrèrent. C'est donc dans cette ambiance houleuse que Zygmunt Miloszewski place son récit, avec la montée des nationalistes qui profitent du moindre fait divers pour hurler leur haine. Teodore Szacki, malgré quelques maladresses ne se laisse pas détourner de son chemin, la rechercher de la vérité, il laisse dire, n'en pense pas moins : "Il lui aurait fallu répondre sincèrement que n'importe quelle tentative de juger des personnes selon leur appartenance à un groupe national, ethnique ou religieux, lui était complètement insupportable. Et, il en était persuadé, chaque pogrom avait trouvé sa source dans une discussion modérée à propos d'une "certaine réserve"" (p.159)

Une très belle série qui commence avec ces deux romans ; ne tardez pas pour la débuter. Les charmantes éditrices -je le sais, je les ai vues- de chez Mirobole ont eu la main très heureuse en la mettant sur Zygmunt Miloszewski que je relirai avec plaisir et impatience et vice-versa.

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Vents d'Ouest

18,50
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5 avril 2015

Voici une bande dessinée bien agréable. Les thèmes sont éternels : la recherche des origines, de la quiétude, la mort, l'amour, le sens de la vie, mais les auteurs, Patrick Weber au scénario et Nicoby aux dessins, les modernisent en faisant de leur héroïne une vedette de la télévision, une de celles qui passent et qu'on oublie pour peu qu'on ait pu les connaître un jour, ce qui, j'avoue humblement mon inculture, est rarement mon cas. Et cette héroïne est bien sympathique, fraîche, contrairement à son amoureux du moment, un écrivain en mal de reconnaissance qui surjoue le côté intellectuel et qui dénigre et méprise tout ce qui n'est pas de son niveau ou de son goût.

Bref, Vanessa Blue -Rozenn de son vrai prénom, plus breton, tu meurs- va se confronter dès son arrivée à l'accueil mitigé des îliens : entre la joie d'accueillir une personnalité et la crainte de voir réapparaître une histoire de famille enfouie. Bon, je vous rassure tout de suite, le suspense n'est pas insoutenable, contrairement à la légèreté de l'être (ouais, bof, un peu facile, n'est-il pas ?), mais il est là pour que le lecteur ne s'ennuie pas au long des 126 pages, et la je vous rassure de nouveau -je fais des prix pour les abonnés-, on ne s'ennuie pas du tout. D'abord parce que les personnages sont très réalistes, sympathiques, des têtes de Bretons bien sûr, on a sa fierté, mais sympathiques quand mêmes (amis Bretons, ne râlez pas, je le suis -tralala- itou). Ensuite, le parallèle avec la vie de Sarah Bernhardt à Belle-île est intéressant et instructif (elle y a vécu tous les étés pendant trente années, au Fort de la pointe des Poulains). Et enfin, les dessins sont plaisants, les protagonistes expressifs et les paysages beaux à tel point que j'irais bien tout de suite à Belle-île... d'autant plus qu'elle fait parte des îles bretonnes que je n'ai pas -encore- visitées.

Une belle histoire donc dans un bel album, mais pourrait-il en être autrement aux éditions Vents d'ouest ?

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1 avril 2015

Une bien agréable lecture qui s'intercale entre deux romans plus denses. Rien d'extraordinaire, je ne vais pas grimper au rideau, mais je ne boude pas mon plaisir. C'est la chronique d'une ville de banlieue parisienne secouée par quelques scandales. Le début est un peu mou, lent, mais on peut aussi le voir comme le reflet de la vie paisible à Crayencourt. Et puis, petit à petit, des personnages apparaissent sous leur vrai jour, pas forcément attendu ni reluisant. Les envies, les jalousies, les ambitions, tous ces sentiments ou émotions que nous pouvons tous éprouver sont au cœur de ce roman noir. Ils gouvernent les hommes et les femmes de Crayencourt.

Ce qui m'a un peu surpris dans ce livre, c'est que l'enquête se dévoile à nous sans que la commissaire n'intervienne vraiment beaucoup. Le journaliste qui suit l'affaire est plus rapide qu'elle, mais ils restent tous les deux des personnages secondaires. On apprend tout par les yeux du narrateur omniscient qui voit tous ses personnages du dessus et nous raconte leurs faits et gestes. Ne vous attendez donc pas à une enquête policière finement menée, mais plutôt à des révélations qui viennent comme ça au fur et à mesure qu'on passe du temps avec tel ou tel protagoniste. Et pourquoi pas après tout ? Ça m'a un peu déstabilisé, mais au final, le résultat est plus que satisfaisant. Et Pierre Lepère mélange les genres entre chroniques d'une petite ville, bataille politique, barbouzes, vengeance, ... un clochemerle sanglant.

Crayencourt est une ville fictive évidemment, qui oserait penser qu'une ville de la banlieue parisienne pourrait être sur-équipée en caméras voire même gérée par des gens peu scrupuleux ? Ah la la quelle imagination monsieur Lepère !

Avec ce roman -et un autre qui m'attend- les éditions La différence ouvrent élégamment leur collection Noire.

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1 avril 2015

Reprenons dans le calme la composition de la famille : Nelly et Charlie sont mariés et ont recomposé une famille avec leurs enfants respectifs, Gladys et Régis qui eux-mêmes se sont mariés et ont adopté Charonne. Une sorte de famille recomposée qui se referme sur elle-même. La seule ouverture est l'adoption de Charonne qui débouche sur un échec.


Une fois que cela est dit, je dois dire ma difficulté à parler de ce livre qui m'a tour à tour plu, déçu et agacé voire faché. L'écriture est surprenante, faite de belles phrases usant d'un vocabulaire riche parfois savant ; mais on peut passer aussi à des propos grossiers, insultants et racistes tenus par Charlie notamment. Je ne soupçonne pas l'auteure de racisme ordinaire mais certaines phrases me font bondir : "Je transpire. C'est ce qui arrive fréquemment aux petites filles quand elles sont grosses et noires..." (p.14) -pour moi, aussi con que de dire que tous les noirs courent vite et qu'ils ont le rythme dans la peau-, ou d'autres pires, franchement dégueulasses qui transcrivent les idées de Charlie totalement désinhibé avec l'âge et la maladie ; j'imagine qu'elles sont là pour dénoncer le racisme, mais trop c'est trop, on peut comprendre à moins*. De même l'auteure fait de multiples retours sur des situations par le jeu des différentes narratrices, sans rien y ajouter comme si ses lecteurs étaient atteints d'Alzheimer et qu'il fallait leur ressasser sans cesse. Je préfère un écrivain qui fait confiance à son lectorat. On me reprochera sans doute mon manque d'humour et de second degré face à une auteure qui fait de la provocation et ce dès le tout début de son ouvrage : "L'un des grands avantages de la négligence parentale, c'est qu'elle habitue les enfants à se tenir pour négligeables. Une fois adultes, ils auront pris le pli et seront d'un commerce aisé, faciles à satisfaire, contents d'un rien." (p. 11). Je travaille auprès d'enfants confiés à l'Aide Sociale à l'Enfance, que ne lisent-ils ces propos, ça me simplifierait mes journées...

Pouf pouf, je me calme et je reprends par ordre d'apparition. Charonne est une jeune fille attachante, un personnage fort et puissant qui sans nul doute réussira sa vie telle qu'elle l'entend. Elle est sans doute à peine crédible, une enfant doublement abandonnée ne le vit pas aussi bien, mais bon chaque individu est différent, alors peut-être sa force de caractère lui permet-elle la résilience. Elle vit bien sa couleur de peau et son surpoids, en joue même. Elle sait qu'elle n'est pas aimée par ses mères biologique et adoptive et se retourne donc vers sa grand-mère, Nelly. Celle-ci a été follement aimée par Fernand son premier mari et le père de Gladys qui, loin d'être un Apollon était un amant prodigieux et également celui qui a fait d'elle une vedette de cinéma. A la mort d'icelui, elle tombe follement amoureuse de Charlie, beau comme un dieu, mais piètre amant. A 88 ans Nelly fait un point final sur sa vie qui ces dernières années a changé grâce à Charonne. Quant à Gladys, elle n'aime personne sauf son mari Régis. Mal-aimée, revancharde, égoïste, c'est une femme qui a toujours souffert.

La jalousie, l'égoïsme, la solitude, l'amour, la mort, les relations mères-filles sont en plein cœur de ce roman dans lequel E. Bayamack-Tam ajoute aussi des personnages virtuels, que chaque femme voit dans le bureau de la maison familiale, des personnages rêvés, des hommes qui leur permettent de vivre, de faire le point sur leur vie, de s'intéresser aux autres. C'est un roman sur une famille qui dysfonctionne, une famille handicapée du lien maternel et paternel.

Je finis mon billet sur ce roman qui ne laisse pas indifférent, qui se répète trop, souffre de longueurs, associe une langue très personnelle à des propos parfois à la limite de l'overdose parce que trop rabâchés, qui met en scène des femmes blessées, fortes et/ou en pleine interrogation sur le sens de leurs vies. Autant de points positifs que de négatifs. Je vous l'avais dit, je ne sais par quel bout prendre ce livre...

Dans un genre différent mais parlant de certains des thèmes évoqués ici, j'ai préféré Reproduction, de Bernardo Carvalho, moins racoleur.

* Cette parole qui se libère en ce moment à la faveur de la montée du FN m'exaspère au plus haut point. Je ne suis pas pour ce qu'on nomme le politiquement correct, mais franchement, certains propos m'énervent comme de dire que les petites filles grosses et noires transpirent et puent... Je vis quotidiennement avec deux garçons noirs qui me rapportent des propos tenus dans les cours d'école qui me sidèrent, du racisme quotidien qui n'a rien à voir avec les petites vacheries entre enfants, c'est beaucoup plus profond que cela ; ou alors ma grande naïveté m'avait jusqu'à maintenant -j'approche quand même de la cinquantaine !- épargné, pourtant il ne me semblait pas avoir vécu dans du coton loin des réalités...