Yv

http://lyvres.over-blog.com/

Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Alexander McCall Smith

12-21

Conseillé par
21 août 2015

Souvent on lit un livre et ensuite on découvre avec plaisir -ou pas- son adaptation cinématographique ou télévisuelle. Une fois n'est pas coutume, j'ai découvert la série télé L'Agence N°1 des Dames Détectives sur Arte il y a quelques années et sous le charme de l'actrice principale, Jill Scott, des autres acteurs et de la série en entier, je me suis procuré les deux premiers livres d'Alexander McCall Smith. J'ai mis un peu de temps à en entamer la lecture, sans doute par peur de ne pas y retrouver ce fameux charme. Quelle erreur ! Tout y est et je peux dire que la série télé est très fidèle aux romans. C'est bourré de chaleur humaine, de bonne humeur, celle de Mma Ramotswe est communicative. On sent le soleil, la chaleur, la bonté, la bienveillance et l'écoute de cette femme, sa candeur, son éternel émerveillement devant les habitants et les paysages du Botswana : "Juste après le carrefour de Mochudi, le soleil apparut, s'élevant au-dessus des vastes plaines qui s'étirent jusqu'à Limpopo. Tout à coup, il était là, souriant à l'Afrique, ballon rouge étincelant, glissant peu à peu vers les hauteurs, se détachant sans effort pour prendre sa liberté sur l'horizon et dissiper les dernières volutes de brume matinale." (p.133) Elle fait preuve d'une joie de vivre rare : elle aime prendre son temps, boire du thé rouge avec ses amis, notamment le garagiste Mr J.L.B. Matekoni amoureux d'elle et qui veut l'épouser, mais Mma Ramotswe n'est pas prête à un second mariage après le fiasco du premier.

Et l'intrigue me demanderez-vous puisqu'il s'agit d'un agence de détectives ? Eh bien, je vous répondrai : les intrigues, puisque son agence est souvent sollicitée. A chaque fois, Mma Ramotswe trouve un truc, une astuce originale pour arriver à ses fins quitte à s'arranger avec la légalité pour ne pas mettre les gens -victimes et parfois même coupables- dans l'embarras. Et nous, de lire ses aventures avec un plaisir qui ne diminue pas de la première à la dernière page, l'auteur a su créer un personnage et une atmosphère qui font du bien au lecteur. D'ailleurs, le tome deux m'attend, je vais m'y plonger tout de suite...

Ca Eschenazi

Cent mille milliards

Conseillé par
8 août 2015

Lorsque je lis un recueil de nouvelles, je pointe sur la table des matières celles qui me plaisent le plus, et là, comme parfois mais rarement, j'ai quasiment tout pointé. Le livre débute avec des histoires pas gaies du tout, sombres avec parfois un humour noir ou désespéré pour ne pas dire une certaine cruauté, et puis d'autres histoires arrivent, légères pour certaines, seulement moins graves pour d'autres. Ce sont des histoires d'amour, de sexe -mais rien de porno ni même d'érotique-, de désir, de rapports entre les hommes et les femmes faussés par la mâle dominance. Car les hommes de Carole-Anne Eschenazi sont parfois de gros machos, de gros beaufs fachos qui ne supportent pas les noirs, les Arabes, la racaille, les femmes, les homos, ... ils peuvent être de différents milieux sociaux, l'aisance financière ne faisant pas l'intelligence, la découverte et la compréhension de la différence. Mais heureusement l'auteure ne s'arrête pas à ce stéréotype, elle parle d'autres hommes, amoureux, sensibles et curieux et des femmes qui subissent souvent la loi machiste, le désir masculin, qui se vengent parfois, se battent ou partent.

J'ai passé d'excellents moments avec les personnages de CA Eschenazi, j'ai aimé détester certains d'entre eux, en plaindre d'autres et en aimer beaucoup. Ce que j'ai apprécié également, ce sont les divers niveaux d'écriture, parfois directe, crue lorsqu'elle parle de sexe notamment : "Anthony est partageur. Quand il baise une nana, il aime bien la refiler ensuite à son meilleur pote. [...] L'odeur du pognon les [les filles] enivre. Elle leur monte d'un coup aux narines tout en leur descendant le string en même temps." (p.25, Bourre et bourre et ratatam), elle a le sens de la formule, des phrases courtes, rapides qui ne laissent pas le temps de s’épancher, elles collent en cela aux pauvres -mais riches- héros de cette nouvelle qui enchaînent les conquêtes. Mais CA Eschenazi sait aussi faire des phrases plus longues, plus douces lorsqu’elle parle de l’amour mais aussi de la bonté d’un personnage, de sa curiosité pour autrui : "Quand Jeff a commencé à désaltérer la gent humaine, ceux qui venaient s’affaler à son bar pour y chercher l’apaisement capiteux, c’était essentiellement des cocus ou des travailleurs ordinaires. Les uns chialaient sur la chiennerie de la nature féminine, les autres sur les difficultés rencontrées avec tel patron, tel collègue, tel client, tel contrôle fiscal."(p.146, La vie couleur bourbon).

J’ai aimé retrouver un personnage principal d’une des nouvelles faisant une silhouette dans une autre histoire, un lien entre toutes. J’ai aimé aussi les références littéraires franchement dites à Victor Hugo, Gustave Flaubert notamment et d’autres qu’on devine par les prénoms : Léopoldine, Doriane, Emma, Milo, Jean-Jacques, … J’ai aimé le thème principal du recueil qui court tout au long d’icelui : les rapports humains, bien vus, bien décrits en des histoires courtes.

CA Eschenazi écrit sur des thèmes récurrents : l’amour, le désir, la vie de couple, le désamour, la peur et de la haine de l’autre, la montée des extrémismes, la place de la femme –je mets ce thème en dernier, mais je pourrais dire que c’est un recueil féministe.

Une très heureuse surprise que ce livre des jeunes éditions Cent Mille Milliards (1014), disponible en version papier ou en numérique, tout est très clairement expliqué sur le site de l’éditeur, très bien fait, pratique et simple. En plus, j'aime bien la couverture, aérée, blanche avec écriture violette.

Conseillé par
4 août 2015

Roman de gangsters, roman qui enfile les morts et les tortures comme d'autres enfilent les perles. Au bout d'un moment, le temps m'a semblé long, et les situations répétitives. Un mort ça va, trois morts...* (et il y en a un nombre incalculable) et une séance d'interrogatoire musclée pour faire parler des suspects, ça va aussi, mais trois, puis dix puis quinze, ça lasse. Si en plus vous ajoutez au catalogue des répétitions des causes et conséquences de tel ou tel acte, les éternels et pas vraiment constructifs questionnements de Maura et de ses frères voire de sa mère et de ses neveux et nièces -"oh oh, ce serait le bonheur"- une flopée de personnages tous plus glauques les uns que les autres et dont on ne sait plus à force de quel camp ils sont, eh bien vous avez en mains (il en faut bien deux pour ce lourd polar de 540 pages) un roman qui vous en tombe aisément. Tous les protagonistes sont pourris, vendus, trafiquants de drogue, dealers, tueurs, flics véreux, prêts à tout -même trucider ou trahir un ami- pour un peu plus de pognon, mais étrangement, souvent dans son texte, Martina Cole parle braves garçons, de bons bougres... personnellement, je n'aimerais point trop croiser ces bons bougres au coin d'une rue sombre, les bousculer par inadvertance, j'aurais un peu peur pour mon intégrité physique voire même ma survie.

C'est un roman violent, dur parfois à la limite du soutenable -je dois être un petit être trop fragile, émotif- et long. On avait compris en 250 pages ce que Martina Cole nous dilue en 540 ! Les rebondissements sont bien présents certes, mais noyés dans une logorrhée, dans un discours infini qui ralentit considérablement le rythme de ce qui aurait pu -dû ?- être un vrai polar rapide, punchy. Tout ceci est fort dommage, j'avais beaucoup aimé La cassure et Impures de la même auteure.

Néanmoins, il y a du positif, je disais qu'en moitié moins de pages, le roman eut pu être vraiment une réussite. Cette manie de vouloir faire de gros bouquins ! Ah, pour finir, un peu d'exotisme : aux États-Unis, les gangsters boivent du whisky, à Londres, on boit du thé, des litres et des litres de thé, comme quoi, ils n'ont pas que des défauts. Finalement ils sont de bon bougres....

*Pour les plus jeunes, je fais référence à un fameux slogan de la sécurité routière : "Un verre ça va, trois verres, bonjour les dégâts."

Roman-suspense

Laurence Labbé

Laurence Labbe

9,00
Conseillé par
4 août 2015

J'ai rencontré Laurence Labbé lors du dernier salon du livre de Paris par l'intermédiaire de mon ami et co-blogueur aux Huit plumes, Éric (une de ses chroniques est consacré à ce livre : ici) ; elle m'a gentiment dédicacé son premier roman et plusieurs semaines après notre rencontre, je l'ai enfin ouvert. Je dois dire que je suis un peu frileux sur les livres auto-édités, à tort sûrement, mais je redoute les sollicitations que l'on peut avoir en tant que blogueur pour lire tel ou tel chef d'œuvre proposé par l'auteur lui-même. En général (ce général souffre quelques exceptions) je refuse, mais là, je ne pouvais pas, Laurence était en face de moi. Et puis, en plus, je savais qu'Éric avait apprécié, je ne prenais dès lors pas de risque.

Si l'on fait fi de quelques coquilles répétées (les majuscules oubliées pour "Français" lorsqu'il s'agit d'un homme et que le mot est employé en tant que nom, plusieurs omissions de l'accent circonflexe sur le u de "du" lorsqu'il s'agit d'une dette) -mais bon, malgré mes relectures, j'en laisse moi aussi sur le blog- et de quelques longueurs dans les descriptions des lieux et paysages qui n'apportent pas beaucoup au texte si ce n'est des lignes en plus, on a alors dans les mains un livre qui se tient plutôt bien. Un roman choral à suspense, genre pas aisé à maîtriser car il faut de l'équilibre entre les personnages et leurs histoires ainsi que des liens entre eux si possible pas trop grossiers. Laurence Labbé s'en tire bien, elle distille ses indices au compte-gouttes et on découvre petit à petit ce qui amène tel ou tel protagoniste à Corfou. On sait qu'il y a une affaire, mais on ne sait pas trop qui y est mêlé et pour quelles raisons. Combien interviendront dans l'affaire en cours ? Un ? Deux ?... Tous ?

Elle mêle également la vie de ses personnages à l'actualité, notamment le Mali et l'intervention française. Le tout est bien vu et ce court roman (140 pages) pourra aisément trouver une place dans les valises pour cet été. A lire sur la plage, ou ailleurs.

Conseillé par
4 août 2015

Eileen Chang est une écrivaine née en 1920 qui a commencé à écrire dès ses vingt ans et a fini sa vie en 1995 à Los Angeles. Deux brûle-parfums est écrit en 1943. Je ne suis point féru ni même amateur de littérature asiatique, j'ai toujours un peu de mal à entrer dedans. Ce livre fait un peu exception, parce que j'y ai trouvé beaucoup de charme et d'élégance dans l'écriture, dans les histoires joliment racontées qui sont quand même assez terribles, désenchantées et font la part belle à des personnages qui ont franchi les limites de la bonne société (notamment dans le premier brûle-parfum). Quelques passages descriptifs m'ont semblé longs, répétitifs, mais l'ensemble est plaisant, feutré, rien n'est expressément dit, tout est suggéré ; là où l'on aurait pu faire un roman trash, l'auteure fait dans la délicatesse. Elle crée des personnages en proie aux soucis de l'époque dans la belle société argentée ou en grand désir de l'être. Les passions, les ruses, les mises en scène, la rumeur, rien n'est éludé. Ni même le racisme ordinaire en cours à Hong Kong à l'époque : "Mais oui, (...) je suis une sang-mêlé, moi aussi j'en souffre. Regardez, les seuls partis que nous pourrons trouver, ce sont des garçons comme nous. Certainement pas des Chinois, parce qu'avec notre éducation étrangère nous ne pouvons pas nous entendre avec les Chinois de souche. Pas des étrangers non plus ! Lequel parmi les Blancs qui vivent ici n'a pas de préjugés raciaux ? Et même si l'un d'entre eux voulait un tel mariage, la société s'y opposerait. Celui qui épouse une Orientale, il peut faire une croix sur sa carrière. Personne, de nos jours, ne serait encore assez stupidement romantique pour s'y risquer." (p.69/70) Comme quoi, rien en change...

Pour résumer : une bien agréable surprise que cette traduction -tardive- d'Eileen Chang qui n'a rien à envier aux meilleurs écrivains occidentaux de l'époque tant par son écriture que par l'ambiance qu'elle crée, charmante, très bonne société anglaise du début du siècle dernier avec des personnages ciselés, totalement coincés par les carcans de la société dans laquelle ils vivent.