Ouvrières des lettres

"Ouvrires des Lettres". De qui et de quoi sagit-il? De ces quelques centaines de romancires qui, sous la Troisime Rpublique alimentaient en feuilletons et en volume des quotidiens, priodiques, illustrs, collections de gros romans 65 centimes de 32 ou 64 pages.
Quelles crivent pour enfants, jeunes filles, femmes du peuple ou dames du monde, quelles signent dans la presse et les ditions catholiques ou dans les journaux ou collections destination des classes populaires, elles travaillaient la chane et, le plus souvent, sur commande; productivit oblige, les titres saccumulaient au fil des annes et des mois. Inlassablement, elles crivaient des histoires damour pour "prparer les jeunes personnes au mariage" ou des rcits dramatiques o des malheurs sabattaient en rafales successives sur des victimes pitoyables et hroques jusquau dnouement toujours heureux. Elles-mmes se dsignaient comme "ouvrires des Lettres".
Elles ont emport leurs uvres dans loubli. On a voulu savoir qui elles taient car cest avec et par la formidable expansion de cette littrature industrielle que les femmes sont devenues des professionnelles de lcriture romanesque.
Parvenaient-elles vivre de ce mtier? Comment taient-elles apprcies de leurs dizaines de milliers de lectrices?La critique institutionnelle les ignore ou les traite avec un mpris que partagent leurs confrres, romanciers populaires. La plupart, mais pas toutes, signaient dun ou de multiples pseudonymes mais ne se travestissaient pas systmatiquement en hommes: le recours au pseudonymat pouvait aussi tre un jeu ou une obligation professionnelle. Loubli et les jeux de cache-cache rendent la qute parfois incertaine, ses rsultats parcellaires; on a voulu ouvrir des pistes dans un domaine encore peu explor.