Un été à Fleury, roman
EAN13
9782841875764
ISBN
978-2-84187-576-4
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Roman français
Nombre de pages
256
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
100 g
Langue
français
Fiches UNIMARC
S'identifier

Un été à Fleury

roman

De

Archipel

Roman français

Indisponible

Ce livre est en stock chez un confrère du réseau leslibraires.fr,

Cliquez ici pour le commander

Autre version disponible

DU MÊME AUTEUR

Paroles d'innocents, document, Le Pré aux Clercs, 1992.

Maman solo. Le guide de la mère célibataire, Hors Collection, 1993 ; J'ai Lu, 1999.

Ça ne vous dérange pas que je sois une femme ?, avec Monique Carras, nouvelles, Hors Collection, 1996.

Si vous souhaitez recevoir notre catalogue et être tenu au courant de nos publications, envoyez vos nom et adresse, en citant ce livre, aux Éditions de l'Archipel, 34, rue des Bourdonnais, 75001 Paris.

Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1274-9

Copyright © L'Archipel, 2004.

Prologue

Ce soir-là, elle a longtemps hésité à sortir. Elle déteste se séparer de Gabriel. Depuis sa naissance, trois ans auparavant, elle ne l'a pour ainsi dire jamais quitté – sauf pour aller travailler, bien sûr. Mais, dès qu'elle est au bureau, l'angoisse l'envahit. Elle l'imagine mort dans son berceau, ou bien se blessant grièvement en tombant du toboggan de la crèche. Le psychologue qu'elle a consulté n'a rien pu y changer. Loin de Gabriel, elle dépérit.

Voilà pourquoi Marie Delmas a tout d'abord refusé de se rendre à la fête de son comité d'entreprise. L'apprenant, ses collègues de bureau ont protesté. Par les temps qui courent, mieux vaut ne pas s'exposer à la vindicte des patrons. Une absence serait très mal vue de la direction. Participer à cette soirée, c'est au contraire l'occasion d'être remarquée, d'obtenir plus tard une promotion. Une chance unique, pour une mère célibataire comme elle.

Marie a fini par céder. Elle a fait appel à une baby-sitter pour garder son fils. Après un dernier baiser à Gabriel – à tout à l'heure, mon chéri, maman revient bientôt, sois sage –, elle a quitté son trois pièces du XVe arrondissement de Paris pour gagner le lieu des réjouissances.

Minuit. Marie s'éclipse discrètement de la fête. Elle laisse derrière elle la salle enfumée où ses collègues continuent de bavarder. Elle court jusqu'à sa voiture, garée tout près, se glisse sur le siège avant, démarre, prend de la vitesse. Après tout, qu'importe? À cette heure, Paris est désert... Désert? Non, hélas. Là-bas, une autre jeune femme regagne son domicile à pied, après avoir dîné chez des amis. Elle porte un tout petit enfant, âgé de deux mois à peine. Sa fille. Solène. La jeune femme avance lentement, sur le trottoir, une main posée sur le porte-bébé ancré sur sa poitrine. Contre la peau nue de sa gorge, elle sent le souffle tiède du nourrisson. Heureuse, apaisée, elle s'engage sur le passage piéton. En face, juste en face, son immeuble. Dix mètres. Rien que dix mètres, et elle sera rentrée. Voilà, ça y est. Elle est au milieu de la chaussée.

Plus tard, Marie jurera qu'elle ne l'a pas vue, qu'elle n'a rien vu. Mais la vérité, c'est que ce soir-là elle roulait à près de 100 kilomètres heure. Et surtout, elle avait bu, beaucoup trop bu. Alors elle a heurté de plein fouet la jeune femme et son bébé. Ensuite, comprenant que quelque chose était arrivé, elle s'est arrêtée, a couru jusqu'à la promeneuse.

Une voiture de police arrive, gyrophare allumé. La sirène d'une ambulance. Des passants surgis de l'ombre s'attroupent autour du lieu de l'accident. Des médecins s'affairent autour de la blessée et du bébé qu'elle tenait contre elle. Marie regarde tout cela. Mais elle a beau faire, elle reste étrangère à la scène. Sa victime gît face contre terre. Un pantin désarticulé, au front maculé de sang, qui trouve encore la force de supplier que l'on sauve sa fille. Mais Marie, elle, ne pense qu'à une chose. Une seule. Elle est en retard. Il faut absolument qu'elle rentre, qu'elle retrouve Gabriel. Voilà ce qu'elle dit d'une voix pleine d'angoisse au policier arrivé le premier sur les lieux. Mais celui-ci ne semble pas l'entendre. Il lui demande ses papiers, ainsi que ceux de son véhicule. Comme elle fouille dans son sac, et qu'elle les lui tend, il les compulse longuement. Ensuite, d'une voix neutre, totalement impersonnelle, il lui ordonne de le suivre dans la fourgonnette garée tout près. Là, Marie doit souffler dans un ballon. Un alcootest largement positif, qui fait froncer les sourcils au fonctionnaire de police qui lui fait face. Mais la jeune femme ne comprend toujours pas que sa vie vient de basculer. Elle regarde sa montre. Il est près de minuit quarante-cinq. Paniquée, elle supplie une nouvelle fois qu'on la laisse partir pour qu'elle puisse rejoindre son enfant.

— Votre enfant? lui dit alors le policier, d'une voix dure. À mon avis, vous n'êtes pas près de le revoir...

1

Un arrêt. Le bruit d'une lourde porte de fer qui glisse sur elle-même. Le fourgon redémarre et pénètre dans la prison. Marie ne le sait pas encore. À l'intérieur, elle lutte contre la nausée. Voilà près de quarante-huit heures qu'elle n'a rien avalé, sinon quelques verres d'eau. Quarante-huit heures d'un très mauvais rêve, fait d'hommes en uniformes, d'interrogatoires – nom, prénom, date et lieu de naissance, profession, avez-vous déjà été condamnée, avez-vous l'habitude de boire ? –, d'une sordide cellule de dégrisement, puis de longs couloirs éclairés d'une lumière blême, ceux du palais de Justice, au petit matin. Et il y a, bien sûr, ce juge qui l'a reçue. Un petit homme à la figure lunaire, au crâne dégarni.

Pour commencer, il l'a dévisagée. Longtemps. Très longtemps. Et Marie, d'un coup, s'est sentie sale. Voilà presque deux jours, maintenant, qu'elle ne s'est ni lavée ni changée. Elle a dormi sur un bat-flanc recouvert d'un vieux matelas de mousse. Elle a dû uriner dans des toilettes à la turque, dépourvues de papier hygiénique et dont la porte est restée entrouverte sur le policier qui, dehors, la surveillait. Ensuite, elle a passé la journée assise sur une vieille chaise, à subir un feu roulant de questions. Et maintenant ce magistrat... D'un coup, elle sent la révolte la gagner. D'accord, elle a renversé un piéton. Mais c'était un accident. De ceux qui arrivent par dizaines, chaque jour. Elle n'est ni une délinquante, ni une criminelle. Son casier judiciaire est vierge. Elle n'a jamais rien volé, pas même un flacon de parfum, de ces parfums dont elle fait collection et qui couvrent toute une étagère de sa chambre. Le plus scrupuleusement du monde, elle exerce le métier de juriste pour le compte d'une société d'assurances. Alors que fait-elle là, les poignets entravés, face à ce magistrat qui la dévisage ? N'a-t-il pas d'autres chats à fouetter? Et puis, à la fin, va-t-on se décider à la laisser partir? Elle doit s'en aller. Elle doit retrouver Gabriel. Gabriel, dont elle est toujours sans nouvelles...

— Asseyez-vous, madame Delmas.

Le juge vient de prononcer ces mots d'une voix douce. Marie obéit. L'un des policiers qui l'entourent lui ôte ses chaînes. Tandis qu'elle se frotte machinalement les poignets, le juge ouvre le dossier posé devant lui. Un dossier à la couverture rouge, se dit mentalement la jeune femme. C'est idiot, elle le sait, mais elle ne peut s'empêcher de noter chaque menu détail – autant de minuscules branches auxquelles elle se raccroche afin de ne pas sombrer. Le rouge est-il un bon ou un mauvais présage? Représente-t-il le sang ou l'espoir? Gabriel porte bien le rouge, qui avive son teint mat. Gabriel. Le prénom résonne dans la tête de Marie, qui sent de grosses larmes monter à ses yeux. Où est-il, son petit bonhomme, avec qui, pleure-t-il, la réclame-t-il ? Pourquoi est-ce que personne ne veut lui dire ce qu'il est devenu ? Où vont les enfants quand on arrête leur mère ? Quelqu'un s'occupe-t-il d'eux, au moins? Si seulement elle s'était intéressée un peu plus au droit pénal et à la procédure criminelle, lorsqu'elle était en licence, elle le saurait peut-être. Mais à cette époque, elle s'en fichait. Elle, ce qu'elle voulait, c'était faire du commerce international. Un secteur à mille lieues des prisons, des juges et des gardes à vue. Face au magistrat, qui la regarde toujours, Marie tente de rassembler ses souvenirs. Mais elle a beau faire, rien ne lui revient en mémoire. Juste ce partiel, au cours duquel l'une de ses amies l'a laissée recopier son devoir – échange de bons procédés, Marie, tu me rendras la pareille, d'accord? Exaspérée, Marie s...
S'identifier pour envoyer des commentaires.

Autres contributions de...

Plus d'informations sur Brigitte Hemmerlin