Il ne faudra plus attendre un train

« Il ne faudra plus attendre un train » est un livre sur la mère et la passation du langage, celui qu’elle a transmis et que l’auteure voit disparaître. Assistant silencieuse à la décomposition du langage, elle aperçoit d’abord les mots qui s’absentent de son vocabulaire, la syntaxe qui s’effiloche, puis des pans entiers qui s’écroulent. À la fin, il ne reste que quelques syllabes. Dans le premier temps de ce long poème, elle s’appelle ma car de la mère il reste un son auquel s’accrocher. Un fragment comme une question lancinante sur la disparition du langage. La mère, dans l’amuïssement, ayant perdu le fil de la parole qui reliait l’auteure à elle, perdait-elle à ses yeux son humanité ? Dans l’entre-temps qu’est la partie médiane, sont écrites les pensées de l’auteure dans les derniers jours de la vie de sa mère ainsi que dans les premiers jours de sa mort. Une pensée embuée de fatigue, de manque de sommeil, de surcharge de travail, de désordre alimentaire, de peur de l’inconnu et de la séparation. Une pensée envahie d’images dont les mots s’absentent pour laisser place à la fulgurance des images, des images qui se télescopent et mêlent les visions du moment avec celles des rêves de la veille, tout autant qu’avec les images d’un passé enfoui. Ces images sont des flashs qui parasitent la pensée et paralysent le langage. Puis dans le dernier temps, c’est la rencontre avec la mort elle-même, dans son aspect le plus matériel, le plus commun, le plus banal, et pourtant le plus mystérieux. Texte sur la mort de la mère, il tire sa force dans sa réflexion sur la langue, reflet de ce qui se passe dans l’intimité de ce mot.