Rhapsodie balkanique
EAN13
9782940701674
Éditeur
Editions des Syrtes
Date de publication
Collection
LITTERATURE ETRANGERE
Langue
français
Langue d'origine
bulgare
Fiches UNIMARC
S'identifier

Rhapsodie balkanique

Editions des Syrtes

Litterature Etrangere

Indisponible

Autre version disponible

Bourgas, port de la mer Noire, dans le Royaume de Bulgarie, 1924. Myriam
(surnommée Miya), née par une nuit « où la mer a gelé » d'une mère grecque,
Theotitsa, et d'un père bulgare, Todor, rencontre Ahmed, le vendeur de
limonade. Ahmed l'orphelin, dont le père a quitté la Turquie avec ses deux
fils pour s'installer en Bulgarie, dans l'espoir d'une vie meilleure. Mais les
musulmans y sont trop pauvres et les chrétiens trop méfiants ou hostiles pour
les aider. Myriam est une jeune fille à l'esprit indépendant, fière, obstinée.
Pour l'amour d'Ahmed, elle brave le refus de ses parents de la voir épouser un
infidèle et quitte leur domicile pour vivre avec lui, maudite par Theotitsa.
Mais ni le khodja ni le prêtre ne veulent les marier, lui le musulman et elle
la chrétienne, et c'est une vie d'errance qui commence, de chambre en chambre,
quand on veut bien leur en louer une, et d'humiliation : il suffit que Miya
apparaisse au marché pour que l'on chuchote bien haut dans son dos « Myriam la
putain, la putain »... Même la naissance de leur petit garçon, Khaalim, ne
fléchit pas Theotitsa : pour elle, ce n'est qu'un bâtard. Ahmed propose
finalement qu'ils rejoignent Istanbul par la mer. Ils y trouvent un petit
appartement situé sous celui d'une bonne grand-mère turque, Fatme, qui les
prend sous son aile protectrice. Mais Ahmed, atteint de tuberculose, meurt peu
de temps après et Miya, restée seule avec ses deux garçons (entre-temps est né
Karim), rejetée par la famille d'Ahmed, est contrainte de travailler dur pour
payer le loyer et assurer leur subsistance. Renvoyée de son travail parce que
le fils de ses patrons arméniens est tombé amoureux d'elle, elle doit se
rendre à l'évidence : elle ne peut plus rester à Istanbul et doit retourner à
Bourgas par bateau. Elle n'a d'argent que pour deux billets et se résout
alors, sur les conseils de Fatme, à inscrire Khaalim dans une bonne école avec
un pensionnat. Khaalim, le petit garçon qui a dû grandir trop vite et devenir
trop tôt responsable. Miya devra renoncer à le revoir: en faire un fils de la
République turque est le prix à payer pour lui assurer un avenir. Le jour du
départ de Miya et de Karim, Khaalim qui se sent seul et étranger dans son
école à la discipline de fer, sans sa mère et sans son frère, apprend
incidemment que ces derniers prennent le bateau le jour même pour la Bulgarie.
Il parvient à s'enfuir, court, tombe, se blesse, est aidé par des Turcs et
finit par arriver au port alors que le navire vient de lever l'ancre. Sa mère,
dressée sur le pont, regarde le port et voit son fils... Le bateau revient et
prend le petit garçon à son bord. Le destin de cette famille ressemble à celui
de nombreux déplacés en Europe balkanique et centrale. Ce qui en fait son
identité, c'est l'écriture de Maria Kassimova, sans pathos et sans émotion
facile. Elle dépeint avec sensibilité, empathie et poésie les détails du
quotidien, regarde avec attention les visages des gens à la recherche de ce
qu'ils ne peuvent pas exprimer avec des mots. Une écriture qui frappe par son
rythme, ses images inhabituelles, ses associations qui font vivre des
personnalités fortes (Theotitsa, Myriam, Khaalim), leurs conflits, leurs
combats dans les Balkans du début XXe siècle. Des Balkans marqués par une
diversité religieuse, culturelle ou linguistique, des conflits générationnels
et des strates de temps différents : Theotitsa incarne la société patriarcale
traditionnelle, empreinte d'une religiosité superstitieuse ; Miya, qui se bat
pour le droit d'aimer l'Autre, le droit de vivre comme elle l'entend, le droit
au respect mutuel et à la tolérance, incarne une génération de femmes
désireuses de s'émanciper d'un modèle qui les étouffe. Et ces femmes sont les
avatars de toutes les femmes qui ont vécu dans les Balkans depuis des temps
immémoriaux. Derrière les drames familiaux se cache une série de choix. La
rebelle Myriam, rejetée par sa famille en raison de son amour pour Ahmet,
choisit de quitter sa ville natale de Bourgas et de l'accompagner à Istanbul.
Vient ensuite un choix encore plus difficile : doit-elle abandonner l'un de
ses enfants pour survivre ? Et si oui – lequel ? Doit-elle retourner à Bourgas
et tout recommencer ou rester à Istanbul, où tout lui rappelle la perte de son
amour ? Appartenons-nous nécessairement à quelque chose ou à quelqu'un – une
famille, un pays, une personne aimée ? Le choix impossible de la mère qui a
décidé de laisser son enfant dans un autre pays pour pouvoir survivre est un
message. Maria Kassimova dit entre les lignes que ce qui fait obstacle, ce ne
sont pas les personnes mais les circonstances. Car si la mère peut sembler
cruelle dans son choix c'est le monde autour qui est à blâmer. Ce monde de
regards et de préjugés qui divise les gens selon leur religion ou leur ethnie.
L’histoire racontée par Kassimova est celle de sa grand-mère et de son père,
telle qu'elle lui a été racontée, telle qu'elle s'en souvient. La narration,
qui s'attarde tour à tour sur les différents personnages, est entrecoupée par
des dialogues-monologues menés entre eux et la narratrice qui cherche à
comprendre et à mieux connaître ceux de ses ascendants qu'elle n'a pas connus
ou ceux qu'elle a mal connus. Mais en fin de compte, c'est à l’écrivaine qu'il
incombe de reconstituer l'histoire de cette famille ethniquement colorée, à
l'aide de son imagination. Rhapsodie balkanique est un roman sur les
frontières – visibles et invisibles, sur leur effacement et leur création :
les frontières de l'esprit, plus rigides et cruelles que celles entre les
pays. Un roman sur des langues différentes mais parlées par tous, et des mots,
censés être connus dès le berceau. Un roman sur un amour qui ne tolère pas les
limites, et qui les impose sans condition. Le tout enchevêtré dans cette
histoire, dont le titre résonne telle l’harmonie de la musique des Balkans,
cette région merveilleuse et magique, à cheval entre l'Orient et l'Occident.
Maria Kassimova-Moisset (1969) est née dans une famille d'artistes : son père,
Hindo Kassimov, était un acteur de théâtre très connu et apprécié en Bulgarie,
sa mère réalisatrice à la Télévision nationale. Après des études de lettres à
l’université de Sofia, elle collabore aux rubriques culturelles de plusieurs
journaux et magazines (dont Demokratsia, Sega, Elle, Kapital light, Amica,
MAX, L’Europeo). Elle est actuellement journaliste free-lance et consultante.
Elle vit entre la France et la Bulgarie. Rhapsodie balkanique (éd. Colibri,
Sofia, 2018) est son premier roman.
S'identifier pour envoyer des commentaires.