FOND DE VERITE (UN) polar 2015

Zygmunt MILOSZEWSKI

Mirobole

  • Conseillé par
    15 janvier 2016

    policier, Pologne

    J’avais beaucoup aimé Les impliqués, premier roman de l’auteur. Je retrouve avec plaisir son personnage principal dans une nouvelle enquête.

    Je ne connais pas la Pologne, mais l’auteur m’a donné envie de découvrir la ville de Sandomierz au printemps.

    Outre le fait que tout le monde ment, Teodore cherche toujours le fond de vérité dans chaque déclaration.

    Ne vous y méprenez pas, il y a aussi de l’action dans ce roman. Mais pas de poursuite en voiture, ouf !

    L’auteur s’appuie cette fois-ci sur la vieille légende polonaise du « Prix du sang » : les Juifs auraient pour coutume d’enlever les enfants polonais pour fair leur pain azyme (si, si, c’est une légende urbaine qui a vraiment existé). Impressionnant !

    L’action se déroule sur quelques jours, et l’auteur se plait, avant chaque début de journée, à nous rappeler les faits marquants du jour, ainsi que la météo.

    L’image que je retiendrai :

    Celle des galeries souterraines de la ville, creusées dans du loess par les habitants au fil des ans pour y cacher leurs trésors.

    http://alexmotamots.wordpress.com/2016/01/06/un-fond-de-verite-zygmunt-miloszewski


  • Conseillé par
    5 avril 2015

    Je serai bref, enfin pour commencer, parce qu'après je sens que je vais m'emballer (mais c'est possible ça d'être bref, avant de ne l'être plus ?) : j'ai beaucoup aimé Les impliqués, le précédent roman de Zygmunt Miloszewski, je réitère mon appréciation pour Un fond de vérité. Voilà, ma brièveté cesse ici-même, après je me lâche...

    Bon d'abord, j'aime bien Teodore Szacki. Il est parfois insupportable, a une assez haute estime de lui-même en tant que procureur, il est beaucoup moins indulgent sur lui en tant qu'individu : 40 ans, divorcé parce qu'il a eu une liaison avec une journaliste, ne voit pas sa fille, méprise les péquenots de Sandomierz, drague et couche avec une fille sublime qu'il laisse parce qu'il la trouve injustement cruche -ça va avec son mépris des gens de cette petite ville. J'aime aussi beaucoup son côté anti-religieux, anti-dogme, le roman est truffé de perles anticléricales qui m'ont réjoui et dont je pourrais m'approprier mot pour mot. Il donne tout au travail. Il emmagasine les informations, les trie mentalement, se fait une idée la plus précise possible des faits et ensuite son cerveau procède par déclics. Il recoupe tout et certaines petites informations a priori anodines sont celles qui donnent l'ossature du raisonnement et de la résolution de l'affaire : "Jamais encore auparavant un processus mental ne s'était déroulé aussi vite dans sa tête, jamais encore autant de faits ne s'étaient assemblés en un éclair dans une suite logique et indissoluble qui ne pouvait aboutir qu'à un unique résultat. C'était une expérience à la lisière de la folie : les idées bondissaient entre les neurones à un rythme épileptique, la matière grise s'illuminait d'une couleur platine à cause du trop-plein d'informations." (p.440) J'aime bien aussi les liens qu'il peut tisser avec les autres protagonistes, collègues, flics, témoins, même les troisièmes rôles ont la faveur d'une ou deux pages pour décrire leurs vies et la manière d'arriver dans cette histoire. Certaines descriptions sont rapides et très visuelles : "Il était grand et très maigre. Sous son blouson épais et son écharpe, il devait ressembler à une gousse de vanille : mince mou et fripé." (p.36)

    Ensuite, il y a l'intrigue, la recherche du ou des coupables menée par un procureur volontaire et désireux de montrer qui il est. Toutes les pistes sont explorées, même celles qui déboucheront sur une impasse : le travail minutieux des enquêteurs, chaque victime est auscultée et l'on sait quasiment tout de sa vie. L'enquête est lente, entrecoupée par les problèmes familiaux ou de cœur du procureur, on s'en imprègne en douceur, on peut même se laisser berner, ce qui est réjouissant dans un roman policier. Parce qu'il nous emmène où il veut Zygmunt Miloszewski. Il écrit bien, c'est limpide, ça va au plus court et même si le livre fait 470 pages, j'ai eu l'impression qu'aucun mot n'était de trop.

    Enfin, il y a le contexte historique : la Pologne a un gros souci avec les juifs, auxquels elle reproche parfois tous les maux. A Sandomierz, ils sont accusés de meurtres rituels d'enfants qu'ils enlevaient et vidaient de leur sang. D'ailleurs, une toile de Charles (Karol) de Prévot représentant ces meurtres se trouve dans la cathédrale de la ville ; elle a longtemps été cachée (en cliquant sur le nom du peintre, vous pourrez la voir). Le passif entre Polonais et juifs est lourd, entre les ghettos pendant la guerre, l'extermination et le refus du pouvoir d'après-guerre de restituer les biens confisqués ; beaucoup de juifs rescapés furent des résistants et mirent en place le régime communiste ce qui leur fut reproché même vingt ans plus tard, en 1968 où beaucoup émigrèrent. C'est donc dans cette ambiance houleuse que Zygmunt Miloszewski place son récit, avec la montée des nationalistes qui profitent du moindre fait divers pour hurler leur haine. Teodore Szacki, malgré quelques maladresses ne se laisse pas détourner de son chemin, la rechercher de la vérité, il laisse dire, n'en pense pas moins : "Il lui aurait fallu répondre sincèrement que n'importe quelle tentative de juger des personnes selon leur appartenance à un groupe national, ethnique ou religieux, lui était complètement insupportable. Et, il en était persuadé, chaque pogrom avait trouvé sa source dans une discussion modérée à propos d'une "certaine réserve"" (p.159)

    Une très belle série qui commence avec ces deux romans ; ne tardez pas pour la débuter. Les charmantes éditrices -je le sais, je les ai vues- de chez Mirobole ont eu la main très heureuse en la mettant sur Zygmunt Miloszewski que je relirai avec plaisir et impatience et vice-versa.


  • Conseillé par
    8 janvier 2015

    Un policier polonais, ça change !

    Zygmunt Miloszewski incarne-t-il une école polonaise du roman policier ? Ou bien brandit-il juste l'étendard de son propre talent ? Une certitude : grâce à lui, le drapeau blanc et rouge flotte bien haut sur la carte de la mondialisation du polar. En 2013, ce journaliste-écrivain de 38 ans, endurci à l'école du faits divers, s'était déjà fait remarquer avec " Les Impliqués ", premier volet de sa saga, finaliste dans trois palmarès littéraires majeurs (Polar SNCF, Polar européen du point, Prix des lectrices de Elle). Aujourd'hui, avec " Un fond de vérité ", il confirme tout le bien qu'onlalu en pensait à l'époque.

    Il nous invite à retrouver l'élégant et grisonnant Teodore Szaki, ce procureur-séducteur dont la fonction et la personnalité cristallisent quelques interrogations de fond sur la Pologne moderne. Choix judicieux pour un héros récurrent. Un magistrat plutôt qu'un policier, pour avoir un pied dans la capitale et l'autre en province. Un divorcé en quête de sensations, histoire de se glisser dans d'autre intimités que celles dictées par l'enquête. Un homme cultivé, capable de distinguer un peu de lumière dans les ténèbres.

    Tout frais muté dans la tranquille cité historique de Sandomierz, le beau Teodore hérite d'un crime mis en scène comme un rituel antisémite. Sur cette terre qui a connu les pogroms et les camps d'extermination, c'est la boîte de Pandore qui s'ouvre. Le voici aspiré dans un tourbillon de préjugés rances et de vieilles haines jamais surmontées. Ce premier meurtre, et ceux qui vont suivre, relèveraient-il d'une vengeance religieuse ?

    Le romancier polonais use de l'énigme policière comme d'un prétexte. Il renvoie ses compatriotes à leur passé de divisions religieuses. Il tourne en dérision une certaine vision de la nation, ou de la patrie, fondée sur le rejet et l'oppression. Il s'en sort en évitant tous les pièges, à commencer par celui de l'ennui, s'appuyant sur un sens du récit impeccable et un humour subtilement désespéré. Le polar comme prisme d'une culture, comme décodeur d'une société. Une fenêtre qui s'ouvre.

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